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L’accouchement physiologique, retour à l’ancienne ou nouvelle approche ?

  • sandrarueda
  • 26 sept. 2019
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 sept. 2019

L’accouchement est en train de connaître certaines remises en question en France. Alors qu’il est de plus en plus médicalisé depuis une vingtaine d’années, il existe une tendance actuelle qui consiste à un retour vers plus de physiologie et moins de médical, pour vivre autrement cette expérience physique et psychique de la naissance.


Certains pensent que vouloir accoucher de façon non médicalisée (ou le moins possible) est une tendance actuelle, un peu réac’, qui vise un retour dans le passé. Ou alors que c’est lié à une envie de se prouver à soi ou aux autres quelque chose. Ce choix est donc souvent incompris car après tout, nous avons des moyens modernes et sans douleur d’accoucher de nos jours, de façon sécurisée, alors pourquoi vouloir « revenir en arrière » ? Même si chacune a ses propres raisons d’avoir un tel projet, les femmes qui veulent aller au bout d’une démarche moins médicalisée ne sont pas toutes motivées par le simple challenge d’y arriver ou par un effet de mode, car cela n’est pas tenable quand on parle d’un tel évènement. De ce que j’observe auprès de mes clientes, le souhait de vouloir accoucher physiologiquement est la plupart du temps lié à plusieurs éléments.


Photo by Sandra Seitamaa on Unsplash

Au départ, il y a d’abord cette envie forte d’être connectée à ses sensations et son ressenti tout au long de son accouchement. Beaucoup de ces femmes ne veulent pas juste vivre l’accouchement comme spectatrice mais veulent participer activement à ce qui va se produire dans leur corps. Elles veulent comprendre ce qui leur arrive ou du moins l’accompagner, et ne pas remettre leur destin uniquement entre les mains d’autres, même si ces autres ont des compétences qui peuvent les aider dans cet accomplissement. Elles veulent rester les principales actrices de ce moment de leur vie.



Derrière le souhait de vivre un accouchement physiologique, il y a souvent cette envie de pouvoir choisir l’endroit où l’on souhaite accoucher et la possibilité de choisir la position dans laquelle on accouchera. L’hôpital n’est pas le seul lieu d’accouchement possible et la position gynécologique, pas la seule option possible pour mettre au monde son bébé. Empêcher les femmes en France, d’opter pour d’autres choix de lieux ou de postures alors que de nombreux autres pays le permettent, donne le sentiment d’une certaine infantilisation, dans un processus qui touche pourtant le corps de chaque femme qui le vit.

Il y a aussi pour certaines cette idée qu’on souhaite faire un travail d’équipe avec son bébé. On parle beaucoup de la femme, de ce qu’elle vit, de sa souffrance lors d’un accouchement mais qu’en est-il du bébé ? Maïté Trélaün dans son livre « J’accouche bientôt, que faire de la douleur ? » décrit magnifiquement ce travail d’équipe en nous expliquant qu’au terme de la grossesse, le bébé prend la décision la plus importante de son existence qui est celle de quitter son cocon maternel pour se lancer dans l’inconnu de la vie. En réponse, la mère lui montre la voie en ouvrant tour à tour les trois portes qui vont le mener vers son entrée dans le monde que sont : le col de l’utérus, le bassin et le périnée. On retrouve bien ici cette idée de travail d’équipe que certaines femmes veulent pouvoir vivre en pleine conscience.


Enfin, on ne peut évoquer ce choix sans également parler d’une forme de méfiance de certaines femmes à l’égard du corps médical et des gestes pratiqués en milieu hospitalier. Le constat d’une surmédicalisation n’est pas que celui de certaines femmes qui seraient trop anxieuses. L’OMS a publié un communiqué de presse en février 2018 à ce sujet, constatant que « la médicalisation croissante des processus d’accouchements normaux diminue les capacités propres des femmes à accoucher et influe négativement sur leur expérience de l’accouchement».


En effet, avec les années de pratique de l’accouchement médicalisé, et l’augmentation de l’intensité du rythme au sein des hôpitaux et maternités, beaucoup de praticiens n’ont plus le temps de laisser les choses se faire. Bien sûr, lorsqu’on parle de violences obstétricales, cela fait peur et certains se disent qu’il est exagéré d’employer de tels termes alors que la médecine est avant tout là pour sauver des vies. Mais doit-on accepter à tout prix une médicalisation qui génère des "dommages collatéraux" ?

Le film d'Ovidie sur le sujet Tu enfanteras dans la douleur, diffusé sur Arte à l’été 2019, met en lumière de façon poignante, un phénomène qui a touché et touche encore un grand nombre de femmes. Ces femmes n'ont pas à faire à des personnes violentes, mais à des protocoles qui engendrent des situations violentes. En choisissant l'accouchement non médicalisé, beaucoup de femmes cherchent à se protéger de ce risque.


La réalité est qu’on accompagne de moins en moins les femmes qui accouchent, par manque de moyen, et qu’on pratique de plus en plus de gestes invasifs pas toujours nécessaires, simplement pour accélérer les choses : percer la poche des eaux, procéder à des épisiotomies pour accélérer la sortie, injecter de l’ocytocine de synthèse et autres hormones de déclenchements. Ces gestes ne sont pas anodins et viennent brusquer un processus naturel pourtant bien rôdé, mais qui doit se faire selon son propre calendrier.


En optant pour un retour à l’écoute du corps, ces femmes portent donc un espoir qu’elles sont prêtes à payer par le fait d’affronter la douleur. Elles choisissent de mettre au monde leur bébé par elles-mêmes, de faire confiance à leur corps et à leur capacité à faire ce que toutes les femmes font depuis des millénaires. Apprendre à gérer la douleur leur semble être un sacrifice moindre que celui de laisser leur corps aller à la loterie d’un personnel médical débordé qui pratique de plus en plus l’utilisation des instruments et du progrès pour faire accoucher les femmes toujours plus vite.


Comprendre et apprendre la gestion de la douleur est à la portée de toutes. J’aime rappeler à mes clientes qu’il n’y a pas de femmes fortes, résistantes à la douleur d’un côté, et de l’autre, des femmes faibles qui seraient incapables d’accoucher sans aide médicamenteuse ou geste obstétrical. Il y a simplement une combinaison de facteurs le jour J, qui vont permettre à la physiologie de s’exprimer, ou au contraire, qui vont bloquer le processus physiologique et potentiellement engendrer des complications. Et le grand responsable de cela, est celui dont je vous ai déjà parlé dans un précédent article… notre fameux Néocortex !


L’accouchement physiologique n’est donc pas un effet de mode à mon sens, mais plutôt une prise de conscience des limites de notre société qui cherche à rationaliser et maîtriser l’événement de la naissance pour faire face à des réalités économiques, sans prendre réellement la mesure des complications que cela peut engendrer. L’aide médicale est importante et nécessaire, mais elle devrait pouvoir garder sa place pour soutenir les mamans en cas de besoin et ne pas devenir systématique ni utilisée pour de mauvaises raisons.


Dans un prochain article, je traiterai du parallèle intéressant entre l’accouchement et l’acte sexuel chez la femme ainsi que du processus hormonal au cœur de la démarche d’enfantement.



Écoutons… nos intuitions et sensations

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