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La naissance respectée, ça existe ! À quand une norme pour toutes les femmes ?

  • sandrarueda
  • 26 juin 2020
  • 6 min de lecture

Lorsque l’on parle de naissance respectée, certaines personnes sont gênées par ce terme car cela suppose qu’il y aurait donc des naissances qui ne sont pas respectées. De même, lorsque l’on parle de violences obstétricales, certaines personnes sont dérangées là-encore car cela suppose qu’il y aurait des personnes délibérément violentes au sein du personnel médical. En réalité, parler de ces sujets là n’est pas une façon de porter des accusations envers des personnes. Cela part d’un constat simple qui est de dire qu’il existe de nombreux cas où les mères témoignent de naissances qu’elles ont vécues comme étant difficiles ou traumatisantes, principalement en raison de la façon dont elles ont été prises en charge au sein de la maternité. Ce qui est donc pointé du doigt par cette notion, n’est pas tellement les personnes (même si ces cas peuvent aussi exister) mais plutôt notre système de soin. Il est vrai que ce système permet de prendre en charge beaucoup d’accouchements en même temps et de gérer un grand nombre de complications possibles. Mais ce système de prise en charge montre aussi ses limites et il cause sans le vouloir de nombreux traumatismes chez des femmes qui auraient pu, en d’autres circonstances, vivre des naissances totalement différentes. Et cela est d'autant plus vrai en cette période de Covid 19 où de nombreux cas ont été recensés d'accouchements traumatisants qui viennent renforcer ce difficile constat. Vous trouverez ici la restitution auprès de l'Assemblée Nationale du mercredi 24 juin 2020 de l'enquête réalisée sur plus de 2700 femmes en France et Outre-Mer ayant accouché pendant la période du Covid 19, par le collectif Tou.te.s contre les violences obstétricales et gynécologiques. L'intervention commence à partir de 16 min 30 de vidéo.

Nous entendons peu parler de naissances traumatisantes pour les accouchements se déroulant au sein des maisons de naissances, en plateau technique* ou encore à domicile.

Même en cas de complications, ils sont globalement beaucoup mieux vécus par les mères. Cela s’explique par le fait que ces naissances se déroulent en dehors du système classique de prise en charge de la grossesse et de l’accouchement.

Alors quelles leçons tirer de ces expériences de naissance comparées à celles vécues en milieu hospitalier ?


Tout d’abord, le suivi est individuel pendant toute la grossesse, ce qui permet à la future mère de connaître personnellement celle qui assistera à la naissance. Cette confiance qui se construit est un élément extrêmement important pour que la

naissance se déroule bien.


Le sentiment de sécurité constitué au fil des mois permet à la femme de plus facilement lâcher prise le jour J pour laisser son corps, les hormones et le bébé faire leur travail. De son côté, la sage-femme en connaît d’avantage sur la mère et le couple. Elle sait adapter son accompagnement à chaque couple pour favoriser le bon déroulement de la naissance. En effet, la plupart des éléments qui sont déterminants pour limiter les risques de complications se situent du côté de la mère, dans sa capacité à se relâcher, mais aussi grâce à l’environnement sécurisant que la future mère perçoit autour d’elle tout au long de l’accouchement. L’un ne va pas sans l’autre et le premier est favorisé par le second. La sage-femme, en connaissant la mère, saura créer cette atmosphère sécurisante.

Enfin, puisqu’il y a une relation de confiance entre la sage-femme et la mère, son consentement est explicitement demandé pour tout acte nécessaire pour son bien ou celui de son bébé. Cela est d’autant plus bénéfique que la seule appréhension qu’un acte puisse être commis sans consentement est en soi néfaste pour la mère. En effet, se libérer de cette peur va permettre à la mère de sécréter de l’ocytocine et des endorphines en plus grande quantité et favoriser par conséquent un accouchement plus rapide et moins douloureux.

Alors qu’en est-il de ce qui se passe en milieu hospitalier ? Il est difficile d’imaginer qu’une sage-femme ou un obstétricien de garde à l’hôpital, aient le même niveau de connaissance et la même relation de confiance avec la future mère. Cependant, ces naissances peuvent autant que possible se rapprocher d’un accompagnement aussi bienveillant que celui d’une sage-femme dédiée. Certains éléments peuvent être prévus dans la prise en charge de la grossesse et être appliqués systématiquement pour toutes les mères afin qu’elles puissent vivre des naissances respectées en milieu hospitalier.

Quelques idées ici :


o Être préparée à ce qu’est la physiologie de la naissance plutôt qu’à des protocoles médicaux systématiques :

  • Être informée des éléments qui permettent de créer une bulle protectrice pour la mère, qui favorise la progression de l’accouchement, en prenant en compte le protocole de prise en charge à l’arrivée et en salle de naissance pour maintenir le plus possible cette bulle dans ces phases de transition.

  • Comprendre les clés qui permettent de vivre une naissance rapide et la moins douloureuse possible : oui oui, elles existent !

  • Comprendre le rôle des hormones et utiliser la péridurale comme stratégie et non comme un passage inévitable pour toutes les mères, sans considérer les conséquences qu’elle peut avoir sur la naissance.

o Entamer un dialogue avec la maternité pour préparer son projet de naissance :

Les parents peuvent formuler leurs souhaits à partir de leur compréhension de la physiologie, et mieux appréhender les contraintes de l’établissement pour préparer et adapter leur projet de naissance.


o Être accompagnée le jour de l’accouchement (deuxième parent, doula, etc.) pour bénéficier d’une présence soutenante ininterrompue et adaptée à ses besoins tout au long de la naissance. L'OMS dans les "WHO recommendations : Intrapartum care for a positive childbirth experience" (page 29) datant de 2018, s'est exprimé clairement à ce sujet et reconnaît les bienfaits de cet accompagnement pour réduire les complications pendant l'accouchement. Une poignée de maternités ont bien compris l'intérêt de cette présence et autorisent déjà les couples à être accompagnés par une doula ou un autre professionnel de l’accompagnement en plus du second parent, pour bénéficier d’un soutien moral plus personnalisé. Le cadre de cet accompagnement peut être clairement défini en amont avec toutes les parties.


o Pouvoir donner son consentement pour tout acte médical pratiqué sur soi ou sur son bébé. Là encore, il s'agit d'un droit fondamental de tout patient à retrouver ici, pour toute prise en charge en milieu médical. La mère devrait être informée et consultée pour toute décision qui touche ou peut avoir des conséquences sur son corps ou celui de son bébé.


o Être traitée dignement et respectueusement tout au long de la prise en charge : veiller à informer les femmes plutôt que leur donner des conseils qui, même si donnés avec bonnes intentions, risquent de les infantiliser, de les déposséder de leur accouchement et du vécu des premiers jours avec leur bébé. Là encore, les témoignages sont malheureusement nombreux de femmes qui disent avoir été réprimandées, dévalorisées ou infantilisées pendant leur séjour en maternité.

En appliquant ces principes simples, cela permettrait de changer complètement le vécu de la naissance en milieu hospitalier, tout en diminuant les risques de complications pour l'accouchement. C’est dans cette démarche et pour répondre à ce besoin que des sages-femmes et obstétriciens ont créé des maisons de naissances, proposent d’accompagner des accouchements en plateau technique ou accompagnent des accouchements à domicile.


Ces choix différents permettent de vivre des naissances plus respectées. Et les mères qui suivent le parcours classique de la naissance à l’hôpital devraient aussi pouvoir bénéficier d’une prise en charge bienveillante et respectueuse pour vivre de belles expériences de naissances.

Il s'agit à mon sens d'une cause pour les femmes qu’il est important de défendre.


Je recommande vivement à ceux intéressés par ce sujet de lire le livre très bien documenté de Marie-Hélène Lahaye intitulé : Accouchement : les femmes méritent mieux.


*L'accouchement en plateau technique est une prise en charge particulière de la grossesse et de l'accouchement dans le cadre d'un projet d'accouchement physiologique. La future maman et le couple sont suivis par une sage femme exerçant la plupart du temps en cabinet libéral. Elle assure le suivi de grossesse, les cours de préparation à la naissance et accompagne les futurs parents le jour de l'accouchement. En partenariat avec une maternité de sa région, la sage-femme loue une des salles de naissance pour le compte de sa patiente et assiste la mère pendant toute la durée de l'accouchement physiologique. En cas de problème, l'équipe médicale de la maternité reprend en charge la mère et le bébé.

NB : ce type d'accompagnement représente un coût supplémentaire pour les couples et n'est la plupart du temps pas remboursé. Par ailleurs, il n'est possible que dans le cadre d'une grossesse considérée comme non pathologique.


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