Pourquoi une semaine mondiale de l’allaitement maternel ?
- sandrarueda
- 7 août 2019
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 août 2019
Cette semaine, c’est la semaine mondiale de l’allaitement dans le monde. En France, nous la fêtons habituellement autour de la première semaine d’octobre. Un choix assez poétique quand on sait qu’il s’agit de la 40ème semaine de l’année, date à laquelle la grossesse d’une femme est considérée comme arrivant à son terme. Mais le choix de la 1ère semaine d’août porte un autre sens autrement important.

En 1990, une conférence internationale est organisée par l’OMS et l’UNICEF à Florence, au Spedale Degli Inocenti, autour de l’allaitement maternel et de sa promotion. À l’issue de cette réunion, la déclaration d’Innocenti est née. Une première mondiale qui reconnaît l’absolue nécessité de soutenir les mères allaitantes. Trente ans plus tard, la démarche est toujours d’actualité.
En 2018, l’OMS publie les résultats d'une étude indiquant que seuls « 60% des nourrissons dans le monde sont allaités dans l’heure suivant la naissance ». Pour les autres, l’allaitement est différé dans le temps ou ne débutera jamais.
Or, l’OMS rappelle que l’allaitement maternel dès la première heure de vie est un moyen concret de sauver la vie de nouveau-nés face à la mortalité infantile.
En effet, le colostrum, premier lait présent dans les seins de la future maman dès les dernières semaines de grossesse est un lait extrêmement concentré contenant une incroyable quantité et variété d’anti-corps divers qui vont aider à constituer les bases d’un système immunitaire solide pour toute la vie.
Faire la promotion de l’allaitement dès la naissance semble donc plus que jamais nécessaire, surtout lorsqu’on sait que la plupart des 78 millions de bébés privés de lait maternel ou dont la première tétée est différée naissent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.
Qu’en est-il de la France ?
Notre société est considérée comme peu soutenante pour les mamans qui veulent allaiter. Selon un rapport de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Évaluation et des Statistiques) publié en 2016, en France, 66% des femmes font le choix d’allaiter leur bébé dès la naissance. Un mois après, le chiffre tombe à 50%. À quatre mois, elles ne sont plus que 30% et moins de 20% à poursuivre l‘allaitement jusqu’à 6 mois.
Les mamans semblent donc bien sensibilisées à la question de l’allaitement et de ses bienfaits pour leur bébé mais ce sont nos habitudes sociétales qui viennent compliquer les choses ensuite, dans les mois qui suivent. Un congé maternité trop court, pas de cadre permettant la poursuite de l’allaitement une fois qu’on reprend le boulot, une « culture » de l’allaitement peu développée chez nous avec des préjugés qui trouvent toujours des voix pour les porter. Autant de facteurs qui rendent difficile le choix de l’allaitement et surtout, sa continuité dans le temps.
Mais s’il y a une chose qu’on respecte par-dessus tout dans notre pays, c’est la voix de la médecine. Or, les pédiatres ne participent pas toujours à la promotion de l’allaitement, par manque de conviction, ou manque de formation ; la lactation ne constituant que quelques heures anecdotiques de leur formation en médecine. Il n’en reste pas moins que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne cesse de tirer la sonnette d’alarme pour aller dans le sens de ce qui est bon pour la santé de nos bébés.
En Août 2017, l’OMS publie 10 faits sur l’allaitement pour aider à sa promotion à travers le monde :
1- l’allaitement au sein pendant les 6 premiers mois de la vie est crucial,
2- l’allaitement protège les nourrissons des maladies infantiles,
3- l’allaitement est bénéfique sur le long terme pour les mères : limite la fertilité, moins de risques de cancer du sein, de l’ovaire avec l’âge, moins de diabète type 2, moins de risque de dépression postpartum,
4- l’allaitement maternel présente des avantages sur le long terme pour l’enfant : meilleure santé générale, réduction des risques de problèmes de tension, cholestérol, surpoids, obésité, diabète type 2 et de meilleurs résultats aux tests d’intelligence
5- les préparations pour nourrissons ne contiennent pas les anti-corps présents dans le lait maternel
6- les médicaments permettent de réduire la transmission du VIH par le lait maternel
7- la commercialisation des substituts du lait maternel est très surveillée : en France, promotion des substituts du lait maternel pour les nourrissons en-dessous de 6 mois est interdite.
8- les mères ont absolument besoin d’un soutien, notamment au début où les jeunes mamans rencontrent le plus de difficultés.
9- les mères devraient pouvoir continuer à allaiter lorsqu’elles travaillent.
10- les aliments solides doivent être introduits progressivement à partir de l’âge de 6 mois.
Alors une fois dit tout cela, on ne peut pas non plus nier le fait qu’il existe un débat virulent derrière cette question de l’allaitement et qui anime les discussions sur et en dehors de la toile. Les femmes qui décident de ne pas allaiter se sentent parfois culpabilisées par ces informations, et ressentent une pression trop forte pour l’allaitement. Sous couvert de bien-être du bébé, elles perçoivent qu'on cherche à leur forcer la main alors qu’il s’agit d’un choix qui impact leur propre corps, qui a déjà été bien chamboulé, transformé et manipulé au cours de la grossesse et de l’accouchement. Alors oui, on veut toutes ce qu’il y a de mieux pour notre bébé, qu’on allaite ou non. Mais une maman angoissée, stressée ou inquiète par l’idée d’allaiter doit pouvoir librement décider de ne pas le faire. Il est important de défendre cette liberté. Un nourrisson gagnera d’avantage à avoir dans l’absolu, une maman sereine et heureuse durant les premiers mois de sa vie.
Cependant, personne ne peut remettre en doute le fait que le lait maternel est ce qu’il y a de meilleur pour un nouveau-né, c’est scientifiquement prouvé depuis longtemps (Rapport ANAES, Mai 2002 sur l'Allaitement Maternel). Je pense fondamentalement que lire ces informations sur les bienfaits de l’allaitement ne devrait pas avoir une résonance négative pour les femmes qui font un choix différent.
Si on reprend les statistiques que je mentionne plus haut, le besoin d’information et d’accompagnement est là. 70% des femmes françaises souhaitent allaiter mais abandonnent en cours de route. Donc promouvoir l’accompagnement à l’allaitement ne veut pas dire qu’on cherche à convaincre les 30% de femmes qui ont réfléchit et pris la décision de ne pas allaiter en toute conscience. En faisant la promotion de l’allaitement, on cherche à faire en sorte que les femmes allaitantes sentent un cadre encourageant et bienveillant autour de leur démarche pour les aider à aller au bout de leur projet d’allaitement. Pour les femmes enceintes, il ne s’agit pas de les influencer mais de les informer et de les accompagner afin qu’elles puissent dépasser les éventuels préjugés et appréhensions qu’elles pourraient avoir autour de cette question.
Dans un prochain article, je vous donnerai les quelques conseils qui me semblent importants pour que l’allaitement se passe bien. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est une chose qu’on doit apprendre à faire. Notre corps sait le faire, mais nous devons apprendre à apprivoiser ce lien à deux, chaque bébé avec sa maman, pour vivre l'allaitement sereinement et sans douleur. Arrêter d’allaiter doit être un choix, et non une fatalité liée à un manque d’accompagnement ou d’encouragement.
Cette année 2019 est marquée pour moi par l’acquisition de nouvelles compétences. Après une formation d'instructrice en massage bébé en juin, j'ai choisi de faire une formation à l’automne en lactation. Le CREFAM ne propose qu’une seule formation ouverte aux professionnels non médicaux. Elle me permettra de pouvoir mieux informer mes clientes, et mieux les accompagner pendant leur allaitement.
Cependant, il est important de rappeler que mon accompagnement ne pourra jamais remplacer celui des conseillères en lactation certifiées IBCLC* qui restent les seules à pouvoir accompagner de façon professionnelle les jeunes mères en difficulté pendant leur allaitement.
Une belle semaine mondiale de l’allaitement à toutes !
Continuons à vulgariser ces connaissances scientifiques pour faire évoluer nos mœurs et renforcer ainsi la santé des générations à venir.
*Tous les professionnels liés à la maternité ou à la puériculture ne sont pas formés à la lactation. Le titre de conseillère en lactation s’obtient par une formation spécifique d’un an, en complément de sa formation initiale dans le milieu médical. La certification est délivrée par l’IBLCE (International Board of Lactaction Consultants Examiners) qui délivre un certificat IBCLC (International Board Certified Lactation Consultant). La recherche évoluant rapidement dans ce domaine, les conseillères en lactation doivent continuer les formations régulièrement pour maintenir leur certification. Lorsqu’on va voir une conseillère en lactation, il est donc essentiel de vérifier au préalable si elle possède bien une certification à jour dans la liste officielles des conseillères IBCLC.
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